Musée du Barreau de Paris : procès retentissants et portraits d'avocats...
- Margaux Damain
- 11 févr. 2019
- 3 min de lecture

En quelques secondes, l’avocat est assailli par une horde de journalistes et de citoyens venus déverser leur haine. Il avait anticipé ces insultes et ces violences prononcées. Il s’était préparé au déversement de ces questions sans issue qui n’appellent aucune réponse. Ces questions que la plupart des journalistes posent pour rendre vulnérable celui qui a osé défendre un criminel. Vous sentez-vous déshonoré de l’avoir défendu ? C’est ça un avocat ? Vous n’avez pas honte ? Collabo. Salaud.
Une fois éloigné de la foule et dans l’enceinte de son appartement, l’avocat s’effondre dans un fauteuil et pose ses deux mains sur son visage. Dans un soupir de chagrin, il se remémore un moment du procès…
L’ambiance est pesante de haine. L’énervement, les messes basses et les regards méfiants viennent agiter la salle. Des photos des atrocités de la fusillade ont circulé parmi les jurés. L’avocat sent tout de suite la tension qui émane de leurs échanges. Il sait que ces photos viennent alimenter la haine. Cela ne présage rien de bon. Aveuglés par l’émotion, les jurés seront-ils réceptifs aux arguments de l’avocat ? Garderont-ils un esprit éveillé et sensible ? Se soucieront-ils du pourquoi et non simplement de l’état des choses ?
Un crime n'est jamais gratuit. Comprendre le criminel, c'est se donner une chance de comprendre ce qu'il faut changer pour rendre meilleure notre société.
Une onde terrible d’excitation et d’écoeurement parcourt subitement le public. Le criminel est désormais présent dans le box des accusés. Seul, son visage est fermé. Sa froideur s’oppose à l’agitation de la salle, des autres. L’avocat sent le stress monter. La posture désengagée et vide d’émotions, en apparence, du criminel n’est pas à son avantage. L’avocat va devoir tout faire pour canaliser cet accès de haine et donner une chance à l’accusé d’être entendu. Un crime n’est jamais gratuit. L’avocat doit faire entendre raison : comprendre le criminel, c’est se donner une chance de comprendre ce qu’il faut changer pour rendre meilleure notre société. L’avocat se rappelle subitement une phrase de Badinter : “On confond le crime et les criminels. On emprisonne les criminels, on les tue même. Le crime ne disparaît pas, ne diminue pas pour autant”. Il va défendre un homme. Il va défendre cet homme, corps et âme. Tout Homme a le droit à un avocat.

Après avoir été interpellée par le livre L'Exécution de Badinter, j’ai eu envie d’aller visiter le Musée du Barreau de Paris pour compléter cette lecture. Robert Badinter use de son éloquence pour susciter une réflexion sur le sens de la Justice et le rôle de l’avocat. J’en attends de même lorsque je visite un musée. Le Musée du Barreau de Paris est riche de notes de plaidoiries, photos, images… L’objectif est clair : revenir sur plusieurs procès retentissants (Dreyfus, Marie-Antoinette, etc.) ayant marqué l’histoire du droit depuis le Moyen-Âge, et par la même occasion dresser le portrait d’avocats historiques. Mais si le fond est bien là, on regrettera (du moins le visiteur non averti) qu’il n’y ait pas plus d’effort sur la présentation et la construction du “parcours” du visiteur.
Grosso modo, le musée est découpé par procès. Chaque espace rassemble les documents relatifs à tel ou tel procès. Soit ! Mais quel lien entre tel personnage et tel avocat ? Entre telle note de plaidoirie et telle lettre ? Quel est le sens de la Justice selon les époques ? Quelles évolutions ou révolutions ? Comment la Justice devient Injustice ? J’ai trouvé dommage que le musée ne pose pas explicitement ces questions et ne donne pas explicitement des éléments de réponse. Un musée est - dans mon idéal - un espace pédagogique et non un simple catalogue d’informations… (Pour ça Google fait le job !).
Je voudrais cependant nuancer mon opinion… Ce musée a le mérite de regrouper en un seul espace un ensemble de documents importants. C’est donc un bon complément à tous ceux et celles qui veulent nourrir des réflexions déjà bien engagées.
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Informations pratiques
25 Rue du Jour, 75001 Paris
Samedi et dimanche, de 14h à 17h
Bravo pour ce point de vue engagé, qui donne malgré tout envie de le visiter...